(Actualisé avec précisions et contexte)
par Benjamin Mallet
PARIS, 21 janvier (Reuters) - TotalEnergies a
annoncé vendredi son retrait de Birmanie après avoir réexaminé
sa position, au regard d'une situation qui n'a cessé de se
dégrader en matière de droits de l'homme dans le pays depuis le
coup d'Etat militaire du 1er février 2021.
Le groupe français a précisé dans un communiqué que ce
retrait se ferait pour lui "sans aucune contrepartie financière"
et serait effectif au plus tard à l'issue d'un délai de préavis
de six mois prévu contractuellement.
Chevron Corp a en outre déclaré vendredi avoir lui
aussi engagé un processus devant le conduire à se retirer du
pays.
TotalEnergies est notamment partenaire (31,24%) et opérateur
du champ de gaz de Yadana depuis 1992, aux côtés de
Unocal-Chevron (28,26%), de PTTEP (25,5%) - filiale de la
société nationale d'énergie thaïlandaise PTT - et de la société
d'Etat birmane MOGE (15%).
Il n'a pas précisé l'impact sur ses comptes de son retrait
de Birmanie mais a souligné que le pays représentait pour lui
105 millions de dollars en 2021, soit moins de 1% de ses
résultats, et seulement 0,6% de sa production.
Le retrait prévu aux contrats du champ de Yadana et de la
société de transport MGTC prévoit que les intérêts du groupe
français seront répartis entre les partenaires actuels, sauf
refus de leur part, et que le rôle d'opérateur sera repris par
un des partenaires.
Un porte-parole a précisé que TotalEnergies était d'ores et
déjà en contact avec PTT en vue de lui transférer ses activités,
le groupe thaïlandais étant un repreneur "naturel" dans la
mesure où sa filiale locale opère déjà des champs de gaz à
proximité de Yadana et parce qu'il est le principal acheteur du
gaz produit par le champ.
Depuis le coup d'Etat du 1er février 2021, des groupes
d'activistes et de défense des droits de l'homme appelaient
TotalEnergies à bloquer le financement dont la junte birmane
bénéficie grâce à ses activités gazières dans le pays.
TOTALENERGIES N'A PAS PU COUPER LES FLUX FINANCIERS
"Si notre compagnie considère que sa présence dans un pays
lui permet de promouvoir ses valeurs (...), le contexte qui ne
cesse de se dégrader (en Birmanie), en matière de droits humains
et plus généralement d'Etat de droit (...) nous a conduits à
réévaluer la situation et ne permet plus à TotalEnergies
d'apporter une contribution positive suffisante dans ce pays", a
expliqué le groupe français.
TotalEnergies a souligné ne pas avoir été en mesure de
"satisfaire les attentes de nombreuses parties prenantes" qui
lui demandaient de mettre fin aux revenus dont bénéfice l'Etat
Birman via MOGE, soulignant qu'une telle mesure était "en
réalité matériellement impossible" car l'essentiel des paiements
liés à la vente du gaz sont réalisés directement par PTT.
TotalEnergies, après avoir saisi les autorités françaises
pour "envisager la mise en place de sanctions ciblées qui
puissent cantonner tous les flux financiers des divers
partenaires sur des comptes séquestres sans arrêter la
production de gaz", n'a en outre pas identifié "de voies
d'action pour y parvenir".
Pendant la période de préavis, le groupe français continuera
de "veiller à la continuité des livraisons de gaz au bénéfice
des populations".
Depuis le coup d'Etat, qui a renversé un gouvernement civil
dirigé par Aung San Suu Kyi, les forces de sécurité birmanes ont
tué plus de 1.400 personnes et en ont arrêté des milliers, selon
l'ONG Assistance Association for Political Prisoners.
Au printemps dernier, après avoir exprimé sa préoccupation
et condamné la répression qui suivi le coup d'Etat,
TotalEnergies avait défendu sa décision de maintenir son
activité en Birmanie en estimant qu'interrompre
l'approvisionnement en gaz aggraverait la situation de la
population et que la junte n'hésiterait pas à soumettre ses
équipes locales à du travail forcé.
Dans une lettre adressée mardi à l'ONG Human Rights Watch,
son PDG Patrick Pouyanné a fait valoir que toutes les actions et
décisions du groupe depuis le coup d'Etat avaient été "guidées
par une constante évaluation des solutions (permettant) de
prendre en compte le respect des droits humains de la population
civile et de (son) personnel, tout en respectant les lois et
conventions en vigueur au niveau national et international".
Des groupes de défense des droits ont salué l'annonce de
TotalEnergies, appelant à des décisions similaires et à des
sanctions contre le secteur pétrolier et le gazier en Birmanie.
"TotalEnergies a enfin répondu aux appels du peuple birman,
de la société civile locale et internationale pour arrêter le
flux de fonds vers la junte terroriste", a déclaré Yadanar
Maung, porte-parole du groupe militant Justice for Myanmar.
"Il est maintenant essentiel que les gouvernements
internationaux aillent de l'avant avec des sanctions ciblées sur
le pétrole et le gaz pour priver la junte des fonds des projets
pétroliers et gaziers restants."
(Edité par Blandine Hénault et Sophie Louet)